La question du turnover a toujours constitué une question centrale dans les organisations commerciales ainsi qu’un point de friction entre les DRH et les Directions Commerciales. En effet, dans le taux de turnover global d’une entreprise, l’essentiel est souvent le fait du service commercial.
Il peut être structurel, dans le cas d’entreprises intervenant sur de la création de besoins en mode chasse et cycle court, à l’image des entreprises de bureautique des années 80 ou de sécurité des années 90, où pour fidéliser un collaborateur il fallait en recruter 3. Dans ce cas, le turnover est inhérent au marché, au mode de commercialisation et au type de rémunération basé essentiellement sur du variable et est donc presque « culturel » .
Il peut être conjoncturel, lié à un phénomène de reprises économiques et donc de reprise des recrutements de commerciaux, à l’image de ce que nous vivons actuellement comme le décrit d’ailleurs l’Observatoire Permanent de la Fonction Commerciale. En effet, selon son dernier baromètre 2011, 53% des entreprises françaises et 45% des TPE se disent prêtes à recruter dans les métiers de la fonction commerciale, ce qui mécaniquement va créer des mouvements dans les équipes commerciales. Dans ce cas il est plus subi que choisi par l’entreprise.
Dans tous les cas et selon moi, le turnover tant qu’il s’inscrit dans des pourcentages raisonnables, disons entre 15 et 25%, est normal et est symptomatique d’une certaine dynamique de l’entreprise. La question est de savoir à quel moment il intervient. S’il intervient dans la période comprise au-delà de la période d’essai et la fin de la 2éme année, je dirais que la responsabilité est le fait de l’entreprise qui a souhaité à tout prix conserver un collaborateur malgré ses résultats moyens voire insuffisants ou bien qu’elle n’a su le fidéliser par une évolution légitime liée à l’obtention de bons résultats. Dans les 2 cas, au delà d’être fautive, l’entreprise est avant tout perdante, car elle aura investi dans le premier au delà de raison sur une erreur de « casting », que tous les entretiens ou tests préalables à l’embauche n’éviteront jamais et surtout dans le cadre du recrutement de commerciaux. On peut apparenter l’entreprise dans le fonctionnement dans ce cas au boursicoteur qui croyant limiter sa perte ne va cesser de moyenner à la baisse pour tout perdre in fine. Pour le second, il s’agit d’une erreur de management ou de gestion des ressources humaines qui sur un plan comptable revient à vouloir préserver le pourcentage de marge au détriment de la progression de la marge globale.
En dehors de cette période, le turnover appartient à la vie normale de l’entreprise. Dans le cadre de la période d’essai, qui comme le nom l’indique a pour but d’essayer, chacun a le droit à l’erreur, entreprise ou salarié. Une rupture dans cette période, dés lors où tous les moyens ont été mis en œuvre pour permettre l’intégration et la réussite du collaborateur, limitera les impacts négatifs tant au plan économique pour l’entreprise que sur le plan humain pour le collaborateur, qui ne se sera pas usé dans une situation d’échec pouvant le pénaliser pour rebondir. A ce titre, il convient peut-être de s’inspirer des Américains pour qui ce qui constitue une erreur ou fait de vous un « loser », ce n’est pas de ne pas avoir réussi mais c’est le fait de ne pas avoir tenté ! Ceci est d’ailleurs valable aussi bien côté employeur qu’employé.
Pour les collaborateurs présents depuis plus 2 ans, qui ont vu leurs résultats récompensés par une progression au sein de l’entreprise, en terme de rémunération ou de responsabilités et qui aspirent à encore plus de progression, l’entreprise ne peut les satisfaire à l’infini sauf à vouloir se mettre en danger de manière inutile. Selon le principe de Peter, « tout employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence » suivi de son corollaire : « avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d’en assumer la responsabilité. » Dès lors, un certain turnover est inévitable et est même nécessaire aux équilibres économiques, sociaux et managériaux de l’entreprise.
Lorsque l’on parle de turnover, il conviendrait donc de savoir de quel turnover il s’agit et surtout quand il intervient. Il y aurait donc le bon et le mauvais turnover et tout particulièrement en ce qui concerne les commerciaux. Un turnover maîtrisé, qui allie respect des individus et préservation des intérêts de l’entreprise contre un turnover sauvage, destructif de valeurs et/ou générateurs de frustrations et de rancœurs. Le nouveau droit social permet d’ailleurs maintenant de répondre très correctement aux différents cas de figure, grâce à des périodes d’essai allongées et des ruptures qui peuvent se faire de manière consensuelle grâce à la rupture conventionnelle.